Il existe différentes façons de cartographier la pollution lumineuse sur un territoire en fonction l’objectif recherché, du matériel utilisé ou de l’échelle à laquelle on travaille.
Pour un rendu précis au plus proche du réel, rien ne vaut les relevés de terrain qui permettent de quantifier la lumière incidente au sol, de qualifier sa composition spectrale et d’évaluer la lumière envoyée vers le ciel, que ce soit directement à partir du luminaire, ou par réflexion au sol, si celui-ci est très clair. Si cette méthode est précise, elle n’en n’est pas moins très chronophage, et sa mise en œuvre est donc inenvisageable sur un vaste territoire.
Une évaluation de la pollution lumineuse peut être obtenue avec les photos prises à partir du ciel, disponibles sur internet.

Les photos satellites : des vues nocturnes de plus en plus bluffantes
Ces dernières décennies, les photos satellites nous offrent des images de notre globe la nuit. D’abord issues de la défense militaire américaine (images DMSP – Defense Meteorological Satellite Program), c’est maintenant, depuis 2011, le satellite civil américain Suomi NPP (Suomi National Polar-orbiting Partnership), équipé d’une caméra VIIRS (Visible Infrared Imaging Radiometer Suite) qui nous envoie des images.
Un pas supplémentaire a été franchi dans la résolution avec les images issues de l’ISS (station spatiale internationale). L’agence spatiale européenne a développé le « NightPod », qui est un dispositif sur lequel les astronautes fixent une caméra digitale. Le NightPod compense à la fois la vitesse de déplacement de la station et le mouvement de rotation de la terre, et permet donc d’obtenir des images de haute résolution. Des milliers d’images sont disponibles pour les chercheurs et un programmes de sciences participatives, Cities at night, a été créé pour les aider à identifier les villes à partir des clichés.

Visualiser les différences d’intensité lumineuse
Le site internet dont je vais vous parler ici, lightpollutionmap.info, a été crée par un astronome slovène, Jurij Stare, à partir des données satellitaires DMSP et VIIRS.
Pour rendre les photos satellitaires plus parlantes, la lumière perçue est affichée en classes de radiance (ou luminance énergétique) (en 10-9W/cm².sr), c’est à dire en intensité lumineuse émise à partir de la surface terrestre.

© Jurij Stare / lightpollutionmap.info

Les zones qui renvoient ainsi le plus de lumière vers le ciel ressortent en rouge alors que les zones qui n’en renvoient pas apparaissent en gris-noir. La résolution est d’environ 500 m pour chaque pixel élémentaire.
Les villes importantes ressortent ainsi en rouge mais également les stations de ski comme l’Alpe d’Huez, les 2 Alpes,Tignes ou Val d’Isère.
La carte offre un certain nombre d’outils, comme la possibilité de pointer un endroit et d’obtenir les coordonnées géographiques, la valeur de radiance et l’altitude.
Quelques artefacts sont à signaler. En principe la couverture satellitaire à été réalisée avec des images sans nuages. Étant donné l’absence d’éclairage émanent de certains bourgs (Lans-en-Vercors, le Sappey, par exemple), il est possible que quelques petits nuages n’aient pas été détectés et aient masqué les lumières. La carte est donc à utiliser avec quelques précautions.

Visualiser la dispersion de la lumière dans l’atmosphère
Le site lightpollutionmap.info, n’affiche pas seulement les données issues des satellites, il permet également de visualiser la modélisation de la pollution lumineuse de l’Atlas de pollution lumineuse de Falchi et al. Ces cartes montrent la diffusion théorique de la lumière dans l’atmosphère à partir des zones éclairées et donnent une version plus réaliste du halo lumineux perçu par un observateur au sol ou par la faune sauvage. Attention aux biais dans nos régions montagneuses car le modèle utilisé par Falchi ne prend pas en compte l’effet de masque du relief. En zone de montagne, ces cartes donnent donc une image un peu plus pessimistes de la réalité.

© Jurij Stare / lightpollutionmap.info

Contribuez à améliorer les informations
Le site lightpollutionmap.info offre la possibilité d’ajouter ses propres mesures de SQM (Sky Quality Meter). Ces données apparaissent sur la carte sous forme de points de couleur différentes en fonction de la valeur mesurée.

La diffusion de la lumière : les multiples facettes de la pollution lumineuse
Ces instruments spatiaux captent la lumière qui s’échappe vers le haut et traverse l’atmosphère terrestre. Au regard de l’utilité de l’éclairage, c’est donc la partie non fonctionnelle, la partie gaspillée, qui est captée par les satellites. Pour diminuer cette lumière inutile et gênante, des progrès ont été réalisé par les fabricants de luminaires : les dernières générations, notamment les luminaires à LEDs, sont de plus en plus « défilées », c’est à dire qu’ils n’émettent pas de flux lumineux au-dessus de l’horizontale. Néanmoins la pollution lumineuse ne se résume pas à ce seul aspect. Même dans une situation idéale où le luminaire dirige la lumière vers le bas, et où la surface du sol est non réfléchissante, la lumière directe perçue par les organismes vivants sur terre est source de pollution lumineuse, même si celle-ci devient très peu visible depuis le ciel.

La pollution lumineuse a de multiples facettes ! Des plus spectaculaires (les images de la terre vue du ciel) à celles qui nous semblent les plus discrètes et anodines (une petite lampe solaire de jardin).
L’important et de se rappeler que notre sensibilité visuelle n’est pas un bon instrument de mesure pour évaluer, de manière pertinente, la gêne pour les autres espèces, notamment les animaux nocturnes aux systèmes de vision très sensibles.
Sobriété avant tout !