© David Loose

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) « a pour mission d’informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin d’éclairer ses décisions ». L’OPECST a ainsi publié le 26 janvier 2023 une note scientifique sur la problématique de la pollution lumineuse.

Cette note représente une synthèse remarquable et bien documentée du sujet. Elle pointe, notamment, le sujet peu abordé des émissions toxiques des phares de voitures, qui avait déjà été soulevé par l’ANSES en 2019, et qui mériterait d’urgence une évolution législative pour protéger les yeux des enfants mais également des espèces animales (notamment sauvages) se trouvant à hauteur d’yeux de ces sources très puissantes et qui portent loin.

La lecture attentive du document montre cependant quelques erreurs préjudiciables à la bonne information des parlementaires.

 

Des LED en éclairage public moins économes qu’on le dit

La note n°33 indique qu’ « une LED permet d’économiser jusqu’à 70% d’électricité par point lumineux par rapport à une lampe classique. Le rendement énergétique d’une LED (rapport du flux lumineux émis par la puissance électrique consommée) est actuellement de 130 à 150 lm/W contre 55 à 70 lm/W pour une lampe fluocompacte ou 17 à 30 lm/W pour une lampe halogène. » . Il s’agit de nouveau d’une (grave) confusion entre l’éclairage domestique (où les LED ont permis de réduire d’un facteur 10 les consommations) et l’éclairage public, où les sources à décharges à sodium haute pression ont déjà un très bon rendement et où ce gain est plus proche de 20 % à température de couleur égale. Cette confusion est malheureusement souvent instrumentalisée pour inciter les communes à remplacer leurs éclairages au sodium.

Toutes les LED n’émettent pas de lumière bleue

Il est noté que « Les éclairages artificiels constituent donc une véritable pollution pour la biodiversité, avec un impact particulièrement important des systèmes d’éclairage par LED compte tenu de la forte proportion de bleu ». Pour être exact, ce ne sont que certaines LED qui émettent dans le bleu. Les LED ambres de 1700 K n’en émettent pas du tout ; nos mesures et calculs des indices d’impacts montrent que ce n’est qu’au-dessus de 2000 K que les émissions dans le bleu deviennent significatives.

Les CEE n’excluent pas les LED ambres

 Concernant les CEE, il y a une erreur importante dans la note 101. Il est indiqué que « La possibilité de mobiliser des certificats d’économie d’énergie (CEE) est un critère déterminant de l’acte d’achat pour de nombreux gestionnaires d’éclairage souhaitant moderniser leur parc. Or, l’efficacité énergétique est le critère central de ce dispositif, ce qui exclut de fait aujourd’hui les alternatives à la LED « standard », comme la LED « ambrée », beaucoup plus chaude, ou encore les lampes à sodium haute pression à 1800 K (soit une température de couleur moins élevée que les LED), considérées comme moins impactantes sur la biodiversité, mais également moins efficaces énergétiquement« .
Actuellement il existe deux dispositifs CEE qui concernent l’éclairage public ; trois autres ayant été abrogés en 2022 : celui qui concerne les systèmes de variation de puissance (RES-EC-103) et celui qui concerne la rénovation (RES-EC-104). En aucun cas ce dernier n’exclue les LED ambres ni les sodiums à 1800 K. Il stipule que l’éclairage fonctionnel doit avoir une efficacité lumineuse ≥ 90 lumens par Watt. Cette valeur est atteinte pour les sodium ≥ 70 W (voir un exemple ici) ainsi que pour les luminaires à LED ambres comme le montre la notice technique d’un luminaire LED ambre de 1800 K fournie par un fabricant avec une efficacité lumineuse en sortie de luminaire de 116 lm/W. Cela montre bien que les sodiums, autant que les LED ambres, ont un bon rendement lumineux en plus de respecter la biodiversité et qu’elles sont bien éligibles au CEE.

Au delà ce ces erreurs, nous avons quelques points de désaccords sur l’analyse :

3000 K : encore trop de bleu

En ce qui concerne la lutte contre la pollution lumineuse, nous partageons le constat sur le manque d’application de la réglementation. Nous sommes en revanche très réservés sur l’ambition réelle sur un point précis de l’arrêté du 28 décembre 2018 qui est la limitation de la température de couleur à 3000 K. Depuis le remplacement massif des éclairages à sodium par des LED en éclairage public, nous assistons à un « blanchiment » généralisé de l’éclairage. Les LED > à 2000 K émettent des quantité significatives de bleu préjudiciables au vivant. Ces rayonnements bleus se diffusent plus facilement dans l’atmosphère et participent donc activement à la pollution lumineuse. Cette limite de 3000 K est donc beaucoup trop haute pour atteindre des objectifs de réduction de la pollution lumineuse. Bien au contraire celle-ci a augmenté avec l’avènement des LED, indépendamment de l‘effet rebond (Sanchez de Miguel, 2022).

La variation de puissance : une solution intéressante

 Dans les solutions proposées il est question, à juste titre, de l’indispensable réflexion « sur la finalité des éclairages et sur leur réelle utilité au regard des besoins avérés des habitants ». La note cite la rénovation de parcs énergivores. Il est vrai que de nombreuses installations ont été surdimensionnées à une époque où l’énergie était un sujet moins important qu’aujourd’hui. Notre travail d’accompagnement de terrain auprès de dizaines d’élus nous a montré qu’ils découvraient souvent la réalité de leur parc (pertinence de certains points lumineux et niveaux d’éclairements) ; notamment des sources au sodium de 150 ou 250 W surdimensionnées dont le niveau d’éclairement, et donc la consommation, pourrait être réduit.
Il existe une solution simple et peu coûteuse de réduire des niveaux d’éclairement sans passer en LED qui n’est pas évoquée mais qui mérite d’être promue : les systèmes de variation de puissance. Ils permettent de ne pas mettre au rebut des luminaires en sodium (sous réserve qu’ils aient un ULR correct) et de les amortir correctement, ce qui est plus vertueux d’un point de vue environnemental. Ces dispositifs de variation de puissance sont, par ailleurs, éligibles au CEE.

S’intéresser à la trame éclairée plutôt qu’à la trame noire

 Enfin, sur la question de la « trame noire », nous sommes très réservés (voir ici). Il n’existe aucun consensus scientifique validant cette notion qui est basée sur une vue très partielle et caricaturale de la biodiversité et qui plus est, peut se révéler contre-productive vue d’un public peu au fait de la complexité du vivant. D’aucun pourrait ainsi considérer qu’on préserve au maximum de l’éclairage certain espaces identifiés comme « trame noire » et qu’on peut « laisser faire » ailleurs. Ce serait une erreur stratégique au vue de la capacité de la lumière à porter loin !
Le tableau de la note n° 59 (longueurs d’onde impactant la biodiversité) est une illustration d’une approche caricaturale de biodiversité. On y trouve des sensibilités spectrales par grandes classes taxonomiques, ce qui ne reflète pas la diversité réelle des réponses (en partie encore inconnue) au sein même de ces classes.
Les moyens financiers et humains pourraient avantageusement être attribués à un travail in situ sur la trame éclairée pour calibrer au mieux l’éclairage en fonction des besoins et des enjeux. Cette approche inversée permet d’aller vers une diminution globale de la pression lumineuse d’un territoire (la lumière est une pollution qui porte loin) plutôt que de se focaliser sur une trame noire idéale et qui serait valable pour toutes les espèces, ce qui est une illusion.

Malgré ces quelques critiques, cette note a le mérite d’alerter les parlementaires sur les dangers de certains éclairages et sur la nécessaire adaptation fine aux besoins réels. Il est d’autant plus dommage que quelques erreurs, stratégiques en terme de rénovations, puissent y figurer.