Deux mots d’histoire

Du simple point de vue des effets sur le vivant et de la pollution lumineuse, il ne faudrait pas dépasser 2000 K. Nous allons voir pourquoi. Attention, cela ne signifie pas que nous préconisons d’en mettre partout ! Pour des besoins spécifiques de vie et de travail nocturne, pour des raisons esthétiques, des couleurs moins chaudes peuvent être justifiées. L’important est d’agir consciemment, en connaissance de cause, et de ne pas présenter comme « écologique » ou « biodiversity friendly » des éclairages qui ne le sont pas.

L’arrivée des LED, il y a une grosse dizaine d’année, a bouleversé le paysage des températures de couleur en éclairage public. Avant c’était assez simple pour ceux qui s’en souviennent : les éclairages blafards des « ballons fluo » des années 60 ont été remplacés par la lumière orange des sodium (avec un gain énergétique considérable) ; puis, de manière non systématique, par des halogénures métalliques, plutôt blancs. Assez simple.

« …des LED plus chaudes sont apparues sur le marché et dans nos rues, sous la pression sociale et avec la prise en compte des connaissances scientifiques. »

Avec les LED, au début, c’était assez simple également : très, très blanc. Au mieux 4000 K (Los Angeles, Milan…)
mais nous en avons mesuré à 7000 K en France en 2019. Puis des LED plus chaudes sont apparues sur le marché et dans nos rues, sous la pression sociale (ces LED blanches étaient mal vécues par les habitants) et avec la prise en compte des connaissances scientifiques (le pic de bleu des LED blanche est reconnu coupable d’impacts négatifs sur le vivant et sur la pollution lumineuse). Au final, l’arrêté du 27/12/2018 a marqué un tournant avec la limitation à 3000 K des nouveaux éclairages fonctionnels.

« …les LED dites « ambres » font ainsi leur apparition, comme une réinvention du sodium… »

La limitation à 3000 K était le fruit d’un compromis franco-français. Concernant les effets négatifs sur le vivant et la vision du ciel étoilé, et du point de vue d’une partie de la population pour qui 3000 K est encore trop froid, ce compromis n’est pas satisfaisant.
10 ans après l’arrivée des LED sur le marché, les LED dites « ambres » font ainsi leur apparition, comme une réinvention du sodium. Dans les années 70, les sodium avaient été qualifiées de « lumière dorée » suite aux lumières blafardes des lampes à vapeur de mercure ; aujourd’hui les communes qui optent pour des LED ambres souhaitent garder, ou revenir, à cette lumière chaleureuse.

« Ambre » : pas plus de 2000 K !

Le terme « ambre » est une appellation d’origine incontrôlée : nous avons même vu des LED à 3000 K qualifiées d’« ambre » dans une publicité !

« La mauvaise réputation des LED () liée à leur composante spectrale bleue… »

La mauvaise réputation des LED est principalement liée à leur composante spectrale bleue. Pour minimiser l’impact sur le vivant et la pollution lumineuse, il faut des LED ambres dont la proportion de bleue est absente ou très faible, de manière comparable aux sodium haute pression classiques.


Beaucoup de syndicats d’énergie se refusent ou hésitent à préconiser des LED ≤ 2000 K par crainte d’une mauvaise performance énergétique et d’une couleur trop orange. Or, même les LED 1700 K sont éligibles aux CEE : leur performances sont donc correctes. Leur rendement lumineux est certes un peu plus faible mais cela signifie simplement qu’à consommation égale elles éclairent légèrement moins, ce qui est concrètement imperceptible. Pour ce qui est du rendu des couleurs, pour l’avoir expérimenté sur le terrain, l’œil humain ne fait pas la différence entre une sodium haute pression et une LED à 1700 K. Rien de révolutionnaire, donc.

« …une nette augmentation de l’action sur la mélatonine au-dessus de 2000 K »

Comme le montre le schéma, les LED 2200 K possèdent encore une composante bleue non négligeable. L’effet de cette lumière bleue sur le vivant est maintenant bien documenté (Lucas et al. 2014 ; voir également le récent dossier de Pop’Sciences).
Des indices issus de la recherche, et notamment l’indice Aubé, permettent d’évaluer la capacité d’une source de lumière à agir sur le vivant par l’inhibition de la mélatonine. En réalité, on sait maintenant que les choses ne sont pas aussi simples : les cellules photosensibles non visuelles, responsables de l’inhibition de la mélatonine en réponse à la lumière bleue, interagissent avec les cellules visuelles que sont les cônes et les bâtonnets, en fonction des conditions de lumière. Cet indice reste néanmoins tout à fait valable et repris dans la boite à outil de la CIE pour évaluer les effets de la lumière sur l’inhibition de la mélatonine.
Le graphe ci-dessous, qui rassemble des données de différents sources que nous avons mesurées, montre une nette augmentation de l’action sur la mélatonine au-dessus de 2000 K en lien avec la composante spectrale bleue.

Indice de suppression de la mélatonine : les barres représentent la capacité d’inhibition de la mélatonine des sources lumineuses en référence à l’illuminant D65 (lumière du jour) de même niveau d’éclairement : SHP (sodium haute pression), SBP (sodium basse pression), LED (diode électroluminescente), HM (halogénure métallique), BF (ballon fluo ou lampe à vapeur de mercure haute pression). Le type de source est suivi de la température de couleur en Kelvin (K) (données Athena-lum).

Un problème qui dépasse notre santé

Pourquoi s’intéresser à l’effet de la lumière sur la mélatonine ? C’est une hormone clé au sein du vivant, dont la sécrétion/inhibition, rythmée par l’alternance jour/nuit, est indispensable à une bonne santé. Si les mécanismes de son inhibition par la lumière bleue sont bien documentés chez l’ensemble des vertébrés (mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens) des preuves commencent à apparaître sur le rôle de « Zeitgeber » (donneur de temps) des courtes longueurs d’ondes chez d’autres espèces, animales et végétales.

« Chez d’autres espèces, la majorité de la faune et de la flore sauvage, (…) l’éclairage extérieur représente la principale source de lumière artificielle subie. »

Chez notre espèce, la part de l’éclairage public responsable de l’inhibition de la mélatonine est généralement largement inférieure à celle des sources lumineuses des divers écrans numériques et des éclairages intérieurs, notamment pour les travailleurs de nuit. Chez d’autres espèces, la majorité de la faune et de la flore sauvage, qui n’ont pas la possibilité de se protéger de la lumière par des murs et des rideaux, l’éclairage extérieur représente la principale source de lumière artificielle subie.

«La généralisation en cours des LED 3000 K depuis l’arrêté de 2018 a eu pour effet d’augmenter la pollution lumineuse par diffusion Rayleigh au lieu de la diminuer. »

L’effet d’augmentation de la pollution lumineuse , au sens diffusion indésirable de lumière, due à la lumière à composante bleue, est également bien documenté (Sanchez de Miguel, 2021). La généralisation en cours des LED 3000 K depuis l’arrêté de 2018 a eu pour effet d’augmenter la pollution lumineuse par diffusion Rayleigh au lieu de la diminuer.

Une fois encore il s’agit d’éclairer en fonction des besoins réels, là où c’est nécessaire et en ayant recours à des températures de couleurs supérieures à 2000 K uniquement lorsque l’on a une bonne raison de le faire.