Durant la dernière décennie les LEDs ont connu un développement fulgurant dans de nombreux domaines : l’éclairage public, sujet qui nous intéresse ici, mais aussi les éclairages domestiques, automobiles, publicitaires, informatiques, ou pour des applications particulières comme les feux tricolores, les lampes frontales, les jouets pour enfants et les nombreux gadgets dont les LEDs augmentent l’attractivité.
Cette technologie a rapidement séduit le marché en ouvrant un vaste champ à l’innovation. Il est désormais possible d’adapter pratiquement la lumière à toutes les formes, à lui faire prendre toutes les couleurs et à moduler l’intensité à souhait. Tout cela pour une consommation énergétique censé être bien moindre comparativement aux sources lumineuse antérieures. En éclairage domestique par exemple, à éclairement égal, les LEDs ont permis de remplacer une ampoule à incandescence consommant 70W par une ampoule de 13W seulement (NB : nous verrons une autre fois qu’en éclairage public le gain n’est pas aussi évident par rapport aux traditionnelles lampes à décharge).
Solution idéale pour les uns ou scepticisme pour les autres, les LEDs sont au centre de controverses depuis plusieurs années, ce qu’atteste la matière importante disponible sur internet. Les débats et les publications montrent que la réalité est bien plus proche des cinquante nuances de gris que du noir et blanc… Les LEDs sont incontestablement une technologie qui a de l’avenir et qui est portée par un marché dynamique ; la recherche scientifique sur les impacts de ce changement majeur dans nos vies (et dans celle de toutes les autres espèces que nous côtoyons) peine à suivre.

En 2010 : une alerte sur la lumière bleue et les fortes luminances
Il est important que le débat puisse bénéficier de rapports d’experts pluridisciplinaires et indépendants. En 2008 l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) était saisie de la question des effets sanitaires des LEDs et constituait un groupe d’experts. Deux années plus tard, en 2010, un rapport de plus de 300 pages était rendu public.
Ce rapport était accompagné d’un avis synthétique qui pointait les problèmes liés au déséquilibre spectral des LEDs et aux très fortes luminances. L’avis souligna notamment les risques liés à la lumière bleue, les risques d’éblouissement ainsi que les perturbation des rythmes circadiens.
Les expert notaient que la norme NF EN 62 471 sur la sécurité photobiologique des lampes et des appareils utilisant des lampes  est « insuffisamment adaptée à des éclairages utilisant des LED ».
La France n’a pas été le seul pays à s’inquiéter des possibles impacts sanitaires liés à l’implantation rapide de la technologie LED. L’association médicale américaine (AMA : Américan Médical Association) a produit un rapport qui a alimenté la controverse entre les représentants de la profession éclairagiste et ceux défendant les positions de l’AMA. Son avis, qui concerne spécifiquement l’éclairage public, préconise notamment d’abandonner des luminaires à LEDs « blanc froid » en raison de leur forte proportion de lumière bleu et de favoriser les sources à couleur plus chaude (températures de couleur > ou égale à 3000°K). Il est à noter que cette recommandation rejoint les récentes prescriptions du législateur français (arrêté du 27/12/2018).

2014 : nouvelle saisine de l’ANSES sur les effets sanitaires des LEDs
En 2010 l’ANSES avait noté la nécessité de poursuivre des recherches au vu des manques de connaissances et la nécessité d’adapter les normes existantes concernant les risques photobiologiques.
L’évolution de la technologie LED étant très rapide et la recherche sur la phototoxicité ayant avancé, l’ANSES a de nouveau été saisie en 2014 pour une mise à jour des effets sanitaires des LEDs. Un appel à candidature pour la constitution d’un nouveau groupe d’experts a été publié en 2015 pour un travail prévu sur 18 à 24 mois.
En toute logique ce travail aurait du être terminé fin 2017. A à ce jour rien n’est publié, ce qui est regrettable car le cahier des charges de l’étude prévoyait de nouveaux axes d’investigations :

→ L’impact des effets réels d’exposition de la population aux LEDs :
Cette approche est particulièrement importante et intéressante car nous sommes de plus en plus exposé à de multiples sources LED tout au long de la journée et de la nuit. L’effet cumulatif de ces expositions, dont les intensités et les répartition spectrale sont potentiellement problématiques, est actuellement mal évalué. Une grande partie de la population passe en effet de moins en moins de temps dehors au quotidien ; la lumière artificielle LED remplace la lumière naturelle et augmente les durées d’exposition au domicile, au travail, sur la route et même souvent pendant les loisirs (éclairages d’intérieur, écrans numériques d’ordinateur et de téléphonie, éclairages routiers fonctionnels, phares de voiture, écrans publicitaires, écrans d’information des abris-bus…).

→ L’impact des LEDs sur l’environnement et le non-humain
Le rapport de 2010 était essentiellement centré sur les impacts humains et n’avait abordé qu’à la marge, et sans éléments précis, les questions liées au cycle de vie des produits. L’évaluation des impacts sur les écosystèmes, quant à eux, n’étaient pas concernés par la saisine.
Ce nouveau travail a prévu de s’intéresser aux « risques environnementaux » et sous ce terme générique les attentes son nombreuses au vu des publications qui se sont multipliées sur ce sujet depuis 2010. On peut penser à l’impact sur la flore et sur les espèces animales dont les systèmes de vision sont sensiblement différents du notre. Elles subissent l’extension de l’éclairage nocturne qui accompagne généralement l’artificialisation des sols en évolution rapide, comme le montre les chiffres récents pour la France (rapport IDDRI 2019). Même hors des zones non habitées, l’éclairage LED très puisant des phares des voitures, balaye les écosystèmes sur de grandes surfaces et perturbe ses habitants (Gaston et Holt, 2018).
L’empreinte énergétique globale du passage massif en LEDs nécessiterait également d’être évaluée au regard des économies d’énergies annoncées, que ce soit au niveau de l’extraction des métaux rares, du remplacements des luminaires complets ou du recyclage. Sur ce dernier point peu de données chiffrées sont disponibles.

→ L’évaluation des risques liés aux LEDs comparativement aux autres technologies d’éclairage
Les particularités des éclairages à LEDs ne doivent pas amener à ignorer ou minimiser les impacts et risques liés à d’autres sources lumineuses. La répartition spectrale des lampes HMI (lampes à halogénures métalliques produisant une lumière blanche) par exemple, montre également une forte proportion de bleu. L’objectivation d’éventuels risques spécifiques aux LEDs par rapport aux autres sources lumineuses répondrait aux interrogations récurrentes sur ce sujet.

Un avis très attendu
L’avis officiel de l’ANSES sur ces thèmes est donc indispensable. Ce travail d’experts est essentiel pour permettre une évaluation pertinente des normes, de la réglementation et pour que l’information soit disponible en toute transparence pour le grand public, les services de l’état, les collectivité et les prescripteurs.
Il est grand temps que cette mise à jour, qui devait être disponible fin 2017, conformément au cahier des charges, soit enfin publiée.

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